Pleine Lune en Scorpion
Ses yeux brillaient d’un ailleurs dans lequel je m’engouffre toute entière à chaque fois qu’il l’aborde.
Hier soir, c’était la Pleine Lune en Scorpion. Signe d’eau et d’émotion. Signe sombre. Côté obscur. Il se trouve que le Scorpion est mon signe lunaire. Le signe lunaire correspond justement à notre part sombre. Il est le signe qui gouverne cette partie de nous que peu de personnes sont amenées à rencontrer. Nos deux ou trois amis les plus proches, notre moitié. Eventuellement un frère ou une soeur. Ce que j’ai pu être scorpion avec Papillon!
J’ai très mal dormi cette nuit. La faute au mistral qui m’a tellement asséché la gorge (entre autre) que j’ai subi une angine toute la nuit. Chez Ismael bien sur, que j’ai empêché de dormir en me tortillant dans tous les sens.
Je me sens un peu mieux, quoique sonnée.
Je suis encore chez lui car j’ai voulu rester au chaud aujourd’hui et ne pas sortir encore dans ce vent pénible. Il dort sur le tapis, juste rentré du travail. Je n’ose pas le réveiller. Même si j’ai très envie de lui. Il est claqué.
Nous nous sommes retrouvés hier en fin de journée pour faire des courses afin de cuisiner chez lui. C’est toujours chez lui qu’on se voit. C’est tellement plus grand, plus propice aux soirées en amoureux que mon petit studio peu fonctionnel dans ma tour bruyante et cafardeuse du quartier hospitalier de La Timone. (Je dis hospitalier de part la présence d’un hôpital, et non pour un quelconque aspect accueillant de mon arrondissement.)
Je voulais lui cuisiner des asperges à ma manière : sautées à la poêle, avec beaucoup d’huile d’olive, un peu de jus de citron. Puis agrémentées de lamelles de fraises et de copeaux de parmesan. Bon… ce n’était pas mon meilleure opus hier soir. J’ai envie de dire la faute au mistral. Il a bon dos. (Et moi j’ai mal à la gorge). On a donc dîné d’asperges. Que j’ai cuisiné en picorant des olives et en sirotant une très bonne bouteille de Saint Emilion qu’on a ouvert pour l’occasion. On a discuté de manière un peu animée sur le féminisme. On n’est pas toujours d’accord et il n’a pas toujours les mots justes de part la barrière de la langue, ce qui créé parfois des tensions. Sachant que j’étais déjà de mauvaise humeur et un peu tourmentée car Papillon ne va pas très bien. Il a pris sa douche et quand il est revenu dans la cuisine je faisais carrément la gueule. Il a su me calmer, m’attendrir, m’assouplir. Comme il sait le faire avec son chat… Puis, pendant que je finissais de dresser les assiettes, on a parlé couple, nouvelles façon de faire couple, d’envisager la vie à deux, le mariage. Il est très traditionnel, je suis avant-gardiste dans l’âme. J’essaie de l’ouvrir à des idées auxquelles il n’avait jamais songé. J’espère que ça porter ses fruits. J’écris ça. Et dans le même temps, une part de moi a envie de lui appartenir. D’être à lui. J’avais avoué ça à certaines amies après ma rupture : qu’après presque 10 ans de couple se voulant moderne, dénué de jalousie, plutôt ouvert à la liberté, j’avais envie de me sentir appartenir à un homme. Je suis plutôt bien tombé avec lui… Mais je refuse pour l’instant de nous considérer comme un couple. Ça me terrifie.
Punaise ! Je voulais être seule, prendre du temps pour moi, me retrouver, me consacrer à la lecture et à l’écriture, à la revue de poésie… Et je me retrouve à passer presque tout mon temps libre avec un homme d’ici. Même pas vraiment d’ici. De là bas, de l’autre côté de la mer. Et j’y vois cette évidence qui m’a poussé à m’exiler à Marseille. "Plus près de tes racines" m’avait dit une amie poétesse. "Plus près de ta grand-mère, de l’Algérie et de l’exil" Et me voilà, ici, dans ce vent infernal, à réparer je ne sais quelle blessure générationnelle. (Enfin si, je le sais un peu...)
Après dîner, nous avons longuement discuté de le Tunisie, de ses oliviers, de la sécheresse et des nuits d’arrosage sans fin quand il retourne là bas. Je l’écoutais, fascinée. Ses yeux brillaient d’un ailleurs dans lequel je m’engouffre toute entière à chaque fois qu’il l’aborde.
Puis, nous avons fait l’amour sur son canapé. Et j’ai ruiné le tissu bleu. Il m’a tellement fait mouiller (je ne crois pas que ça me soit déjà arrivé) que je coulais. Il fait un truc avec sa main qui m’inonde à chaque fois. Mais hier, c’était dingue. Je giclais. Je n’arrivais pas à croire que ça venait de moi. Même lui m’a dit que c’était plus que d’habitude. J’ai même eu honte. Le canapé était trempé. Il a du le nettoyer. La faute à la Pleine Lune en Scorpion ?