Beltane
On ne peut plus rien. Rien. Rien que crier, s’engloutir tout entier dans l’instant du plaisir. Et ensuite. Ensuite on marche dans des quartiers, on mange dans des restaurants, on rit devant une tasse de thé comme si de rien n’était. Comme si tout était normal.
Dans la tradition païenne, le 1er mai, c’est Beltane. Un Sabbat majeur qui célèbre l’union sacrée du féminin et du masculin. Sous l’égide du signe du taureau, gouverné par la planète Vénus, l’heure est au plaisir des sens. (Lu sur une page Instagram ce matin).
À Marseille il fait froid. Mais mes 5 sens ont été comblés.
L’ouïe : prendre ma douche, démêler mes cheveux et hydrater ma peau en écoutant le dernier album de Beyoncé. Puis lire des poèmes pour la revue en écoutant le dernier EP d’Anoushka Shankar. (Sa peau)
La vue : contempler la lumière orageuse et pluvieuse sur Marseille sur sa terrasse en buvant mon café. (Sa peau)
L’odorat : marcher dans les rues de Noailles avec lui, respirer les effluves délicieux des restaurants et gargotes du quartier. (Sa peau)
Le toucher : faire l’amour ce matin, l’embrasser voracement pendant qu’il me fait jouir avec ses doigts. (Sa peau.)
Le goût : un repas tunisien dans son QG, puis du thé à la menthe subtilement sucré, rue d’Aubagne. (Sa peau)
Beltane. Je suis à chaque fois sidérée quand je jouis. Je n’en reviens pas de cette faculté qu’on a à avoir des orgasmes. Je ne parle pas de ceux qu’on se donne seuls. Mais de ces orgasmes donnés pas un corps étranger. Ce lâcher-prise fugace, cette intensité qui fait délirer tandis qu’un autre vous touche avec un élément de son corps. Cet abandon infini qui tient à si peu de chose. Cette explosion d’intimité. Quelques secondes, l’autre devient maître de notre corps. On ne peut plus rien. Rien. Rien que crier, s’engloutir tout entier dans l’instant du plaisir. Et ensuite. Ensuite on marche dans des quartiers, on mange dans des restaurants, on rit devant une tasse de thé comme si de rien n’était. Comme si tout était normal. Alors qu’avant, il y a eu ça. Cet infime moment hors du monde. Cette déchirure terrassante dans le tissu de la réalité. Et c’est comme si ça n’avait jamais existé. Comme un secret déjà oublié. Une amnésie muette. Mais moi je n’oublie pas. Je le regarde boire son thé, parler avec les gens du quartier, et je pense "tout à l’heure on jouissait. tout à l’heure on était hors du monde".
Mon chat me manque. Ma vie d’avant me manque. Mes amies me manquent. Mon ignorance de la rupture à venir me manque. Aujourd’hui, Beltane, cela aurait fait officiellement 10 ans que nous étions ensemble avec Papillon. Il y a un an, nous revenions d’une belle semaine en Vendée dans l’appartement de mon père. Il y a 10 ans, nous passions une journée magnifique à Deauville pour officialiser notre relation.
Beltane, aujourd’hui je suis à Marseille et je bois du thé à la menthe avec un autre homme.
Mon ancien avenir me manque.