Normandie
Sortir de Paris. De mon 93 étriqué.
J’ai passé ce week-end memorable en Normandie. Avec ma soeur et ma cousine.
On est parti de Paris samedi matin tôt en voiture. Nat était au volant. So sur le siège passager. Moi à l’arrière. La petite est toujours à l’arrière. Et je suis la petite soeur. La petite cousine.
J’ai bientôt 34 ans mais : je serai éternellement la petite. Après moi, ce sont les générations suivantes : neveux, nièces, petits cousins. J’aime tellement ça, être la petite. La dernière née de ma génération. Le rayon de soleil, comme m’appellent mes soeurs, Nat et Karine.
Et pourtant et pourtant. La petite dernière. La petite demi-soeur née d’un second mariage du père a enflammé bien des jalousies. Parce-que d’elle, on s’est occupé. Parce-que d’elle, le père s’est occupé. Parce-qu’avec elle, le père a été : présent.
Et parce-que moi je n’y peux rien, à ces histoires là, on m’aime quand même.
Je sais me faire aimer. La petite restera la petite qui a perdu sa maman. (D’ailleurs, hier le 5 avril, c’était l’anniversaire de maman. Elle aurait eu 70 ans. Il m’est impossible de l’imaginer à cet âge là.)
Ce trajet en voiture; on a tellement ri que de l’arrière, j’ai vu les épaules de Nat se secouer durant toute la durée du voyage.
Je crois que ce qui a déclenché nos premiers rires, c’est quand j’ai été persuadé d’avoir vu Thierry Le Luron sur le siège passager d’une voiture passée à côté. Nat et So en choeur :
-Thierry Le Luron ??!! ! Mais il est mort il y a 30 ou 40 ans!
-Ah ! non alors c’était pas lui. Attendez je vais trouver...
Finalement, j’ai trouvé : Laurent Baffie.
So : On passe de Le Luron à Laurent Baffie.
Elle ajoute Et pourquoi pas Louis de Funès ? Hey les filles, j’ai vu Louis de Funès dans la voiture d’à côté!!
Fou rire général.
On a ri pour plein d’autres choses. Mais vraiment, c’est Louis de Funès dans la voiture d’à côté qui m’a fait le trajet. Voire le week-end. Je ne me fatigue pas facilement de ce qui m’a fait rire. Surtout quand c’est de moi que vient la bêtise Ce qui arrive souvent.
Voilà, la petite. Voilà pourquoi je suis le rayon de soleil. Je fais rire aux larmes, parfois sans le vouloir, souvent en le voulant.
Après avoir ri comme des folles durant plus de deux heures, on est finalement arrivé dans le Perche où ma soeur achète une maison. On faisait une contre visite.
Nouveau fou rire quand J.P, mon cousin qui a aussi sa résidence secondaire dans le coin, est venu jeter un oeil sur la maison. Il s’avère qu’il travaille dans le bâtiment et "qu’il s’y connait". Il s’avère, aussi, que la première fois que nous étions venues avec ma soeur, nous n’avions pas remarqué une vieille fenêtre/trappe sur la façade arrière droite de la maison. Elle doit donner sur les combles; inaccessibles et que nous n’avons pas pu (ni pensé à) visiter. Intriguées, on en a parlé à J.P. Il nous a donc demandé la date estimée de la construction de la maison. Moi, très sure de mon fait : 1974!
-Non, c’est pas possible, a dit J.P, une maison comme ça c’est plus début du XXéme siècle. Plutôt 1910.
Et So d’ajouter Mais enfin Anne, pourquoi, en 1974, des gens iraient s’emmerder à placer une trappe tout en haut de la maison, accessible seulement par une échelle ? C’était fini les granges à foin dans les années 70!
Avec ma soeur on pleurait de rire presque. On n’avait pas pensé à ça.
(Cependant, je précise que sur l’annonce de vente de la maison, il est bel et bien écrit qu’elle date de 1974. Ce qui est forcément une erreur. Rien que dans la façon de construire, les matériaux utilisés… et surtout cette trappe qui donne sur les combles. J’en ri encore.)
Bon. On a passé un superbe week-end. On a logé dans un gîte très mignon, avec sauna et jacuzzi, dont la chambre donnait sur les près et les vaches.
Dans le jacuzzi, j’ai raconté à ma cousine la suite et fin de mon histoire avec Alejandro, qu’on a rebaptisé pour l’occasion Manolito. Il était presque présent dans le jacuzzi avec nous. Jacuzzi dans lequel : je me suis empressée de prendre des photos de moi en maillot de bain pour ensuite les poster en story sur Instagram afin qu’il puisse les voir… J’ai même tagué #manolito. Il ne comprendra pas.
Mais lâche prise enfin !
Pourquoi je ne lâche pas prise ?
Il y en a bien un autre que j’adorerai avoir pour amant. Mais voilà : il est parti vivre à Marseille. Sofiane. Un ancien client à moi. Un musicien. Et pas n’importe quelle musique : du jazz manouche. Il est : guitariste de jazz manouche. Dans les story qu’il poste sur Instagram, chez lui en train de jouer de la guitare, j’aperçois toujours en arrière plan cette photo de Django. Django Reinhard en noir et blanc sur son rebord de cheminée. Et ça me plait.
Plusieurs fois, j’ai touché son corps. Plusieurs fois, ses tatouages ont dansé sous mes doigts. En tout bien tout honneur. Une valse sage, pas une salsa endiablée. Mais là, c’est ce que j’aimerai avec lui; ses tatouages sous mes doigts pour une danse plus torride. Il n’est plus mon client.
Plusieurs fois j’ai rêvé de lui. Les rares fois où il remonte sur Paris, j’aimerai avoir l’audace de lui proposer qu’on se voit. Mais je n’oserai pas; trop timide pour ça.
Et pourtant et pourtant, j’en rêve.
Sinon : j’ai fini hier soir le dernier livre de Sandrine Collette, Ces orages là. Je me disais:c’est fou, elle écrit comme moi. Enfin, j’écris comme elle, un peu. Elle a cette écriture durassienne, mélancolique et ponctuée, dont elle use et abuse. Même influence que moi. Ca l’a marqué comme moi. Hypnotisée, comme moi. Impossible de s’en défaire. Une influence pareille, ça prend toute la place.
Je me souviens qu’avant même d’avoir lu Duras, j’écrivais comme elle. J’avais vu l’Amant avant de le lire. Et la voix off de Jeanne Moreau, dans les modulations caractéristiques du rythme de Duras qu’elle prenait, avait suffit pour que je comprenne. Pour que je saisisse. Pour que je m’empare de ça : de ce rythme là.
J’ai toujours eu l’oreille musicale.
C’est peut-être pour ça qu’il n’y a qu’eux qui me plaisent; les musiciens. Aux musiciens, je pardonne tout.