Luz y Sombra

Mistral

Je n’aime pas ce vent du Sud
il a la fureur des tempêtes de l’Ouest
mais il ne lave rien
il laisse le corps ensablé
et le coeur tiraillé
entre le Nord et toi

Le mistral souffle depuis plus de 48 heures sans discontinuer. Et ce n’est pas fini. Ça me tape sur les nerfs. Le linge sur la terrasse qui menace de s’envoler. Les volets qui claquent. Les pots de fleurs vides en plastique qui raclent les dalles du balcon. Les graminées qui rentrent dans les yeux. Les cheveux et la peau qui s’assèchent. Le mascara qui coule. Les fenêtres forcément fermées. La force des bourrasques qui empêchent de marcher.
Je le vois dans l’humeur des gens. Dans celle d’Artemis, ma manager, qui a subitement changé de comportement envers moi, ce qui m’alerte un peu..
Dans mon humeur aussi, plus changeante (à moins que ce ne soit déjà la pilule, comme pour ce bouton sur mon menton, moi qui n’ai plus d’acné depuis très longtemps?) Même mon corps est plein de ce vent indésiré. Mon ventre est comme constamment gonflé et je ne sais pas pourquoi.

Aujourd’hui je lis des textes envoyés pour le revue. Encore une fois, beaucoup de médiocre. Il y a dans beaucoup de textes reçus quelque-chose de didactique qui me dérange et me déplait. Et cela vient notamment de gens que j’ai personnellement sollicité. Ça m’embête tellement. Mais je ne veux pas sacrifier notre exigence littéraire pour ménager des égos. Bientôt, je vais devoir trancher. Et je n’ai vraiment pas hâte.

Ce soir c’est l’anniversaire d’Angie, ma copine mexicaine. Elle fête ça dans un bar à bière entre Cours Julien et La Plaine. Il faudrait que je sorte lui faire un petit cadeau. Je pensais à un livre ou un savon de Marseille agréablement parfumé. Il y a cette charmante et qualitative petite parfumerie juste derrière l’église du Vieux Port. Elle partage d’ailleurs ses murs avec ladite église. Mais c’est loin. Je vais plutôt aller à la librairie non de chez moi. Flemme de prendre le métro.

Hier matin, je me suis réveillée chez Ismael. Le sexe était moins agréable, non par manque de désir mais à cause de ce traitement anti-mycose que je venais de terminer et qui m’a je crois asséché. (À moins que là aussi, ce ne soit déjà les effets de ma pilule ? Ça me fait peur.)
Le sexe était moins agréable mais le connexion encore plus forte que les fois précédentes. La soirée était simple et belle : il avait acheté des bricks et des légumes pimentés dans son très bon petit troquet tunisien du quartier de Noailles; on a bu une très bonne bouteille de rouge (joie que le Ramadan soit terminé) et on a parlé pendant des heures; on a fait l’amour sur son canapé bleu et je l’ai senti amoureux, ses gémissements me disaient qu’il était au delà du plaisir; on s’est lavé les dents; on s’est couché et dans le noir de sa chambre je l’ai sucé et chevauché, on s’est serré dans les bras à fusionner je te kiffe trop, il a dit, je te kiffe trop, mais sa voix était au delà du kiff, et moi aussi.
Le matin nous avons refait l’amour. Bu ensemble le café qu’il avait préparé. Il est parti travailler. Restée seule, j’ai pris ma douche, je me suis couchée de son côté du lit (olala, je viens de réaliser ce que j’ai écris) et je me suis masturbé dans la pénombre. Je lui ai envoyé deux photos sexy pour lui souhaiter une belle journée. J’ai grignoté une clémentine, du pain du beurre et du fromage. J’ai traînée un peu. Ouvert un tiroir de son armoire dans lequel j’ai vu qu’il garde un cheche palestinien. Et je suis sortie affronter cet insupportable mistral pour me rendre au travail, ce qui a ruiné ma coiffure et ma tentative de maquillage. Mais en chemin, je suis passé le voir sur son chantier. On s’est retrouvé devant. On s’est vu quelques minutes et séparés à contrecoeur.
Il m’a dit qu’avec moi il s’était accroché. Qu’après notre premier rendez-vous il ne voulait absolument pas passer à côté de moi. Qu’il n’avait jamais vécu ça auparavant : 6h00 avec une inconnue sans voir le temps passer. Il m’a dit qu’il avait trouvé ça fluide, pure, sain.
Ce n’est pas un coup de coeur pour moi. Ce n’est pas la passion délirante que j’ai autrefois expérimenté, avec Papillon surtout. Mais c’est un sentiment grandissant qui s’installe, que je laisse s’installer, même si ça me terrifie. J’ai la sensation d’un tournant décisif dans ma vie. Encore une fois, d’un déchirement.
(J’ai la sensation que cet homme est là pour me faire grandir, passer dans une autre strate.)

Mes voisin du dessus, des jeunes, viennent de frapper à ma porte car leur chat a disparu. Du 6ème étage ça me fait peur pour eux. Ils m’ont fait de la peine.
Et : Louise vient de me faire son retour quant au dernier texte que j’ai écris pour l’atelier. Elle m’a écrit que c’était excellent. Je vais l’envoyer à Papillon.
Aller, je vais sortir acheter ce cadeau pour Angie.