Haïku du coeur brisé
J’ai enfin créé ma page Instagram dédiée à l’écriture de mes haïkus : haikus_du_soir. Pour l’instant je n’en ai publié qu’un.
Mais : j’en ai écris un certain nombre depuis le printemps dernier.
J’ai découvert les haïkus lors du premier confinement. Et j’ai eu pour cette forme de poésie, instantanément, un immense coup de coeur. Tout de suite, je me suis prise de passion pour eux. Comme une révélation. Comme si toutes ces années écoulées sans que je ne m’y intéresse, j’étais passé à côté de l’essence même de la vie. Parce-que c’est extraordinaire un haïku. C’est la forme de poésie la plus pure, la plus fondamentale, la plus immaculée. C’est l’infini saisi sur l’instant. C’est l’éternité, figée en 17 syllabes mais s’animant et irradiant pour toujours. Un instantané de l’impermanence. Plus intense qu’une photo parce-que sans limites. C’est la vérité inaltérée, dépouillée d’un langage ornement. C’est l’art de "capter le jaillissement de la vie" (L’art du Haïku, pour une philosophie de l’instant, Bashô, Issa, Shiki, textes présentés par Vincent Brochard et Pascale Senk).
C’est spirituel.
La seule éternité que je connaisse, la seule éternité qui soit, c’est l’instant présent. Déjà, je l’ai touché du bout des doigts. L’écriture de haïkus m’aide à exprimer efficacement la poésie que je vois en chaque chose. Il y a, finalement insufflé, comme un souffle soufi dans le fond des haïkus.( Ecoutez le bruit du vent.)
Souvent, c’est du travail. Parfois, ça surgit du néant et alors tout est fluide et facile. Enfin, je commence à peine. Je débute. Mais c’est un soulagement pour moi d’avoir découvert cette forme de poésie.
C’est drôle; haïkus et réseaux sociaux. Haïkus et Instagram. Les uns sont l’expression pure de la présence à l’instant quand l’autre est tout le contraire.
Sur Instagram, et par extension tous les autres réseaux sociaux, il faudrait donner l’impression (c’est le jeu), que nos vies sont de purs moments de grâce. Même dans la douleur et la tristesse, dans l’inactivité et l’ennui, moments de grâce. J’y arrive plutôt bien. Mais quelle pression les amis ! Et encore moi j’ai 34 ans, je n’en ai pas 15 et demi… La validation sociale de ce que je suis est une addiction comme une autre. L’écriture en est une meilleure et plus saine, mais aussi plus énergivore.
Alejandro. C’est fou comme j’ai envie de lui. Partout, tout le temps. Le matin au réveil. Tout le temps. A chaque fois que je me caresse je pense à lui, et je suis triste. Triste à pleurer. Je ne peux pas à proprement parler me caresser car mes mains sont emprisonnées dans des attelles. Mais quand je passe le jet de la douche sur mon clitoris jusqu’à l’orgasme, c’est à lui que je pense. A sa queue qui m’envahit, qui s’enfonce en moi encore et encore, qui m’enflamme. Et je jouis en pleurant. Et ce n’est pas de joie… Ca aussi c’est un moment de grâce ? C’est instagrammable ?
Dans ces moments là, je pense à la blonde dans Mulholland Drive de David Lynch, qui se masturbe en pleurant, en pensant à la brune. Qui pleure en jouissant. Je devient elle. La blonde c’est moi.
("C’est elle, c’est la fille.")
Regardez-moi, je jouis en pleurant.
Alors, pour ne pas publier une story de moi qui me masturbe en pleurant, ce qui me ferait bannir à la seconde dudit réseau social, je publie des haïkus. Et aussi des photos (de moi) suggestives accompagnées de chansons tristes en espagnol pour qu’il comprenne les paroles et se sente concerné.
Le haïku que j’ai écris et publié hier a surgit du néant. Il est de façon amusante à la fois une ode aux haïkus et une mise en abîme de la forme de ceux-ci.
(Je vous rappelle les règles des haïkus : 3 lignes, 17 syllabes découpées en 5/7/5, idéalement.)
Le voici :
Brève comme un haïku
notre histoire d’amour éclair
ne tient qu’en trois lignes.
Au fond, j’ai su tout de suite que c’était lui qui allait me briser le coeur. Quand je l’ai retrouvé ce samedi de janvier devant le Starbuck d’Odéon, j’ai su. J’ai croisé son regard et je l’ai vu dans ses yeux. Trop tard. Déjà entre nous, il était trop tard. (Très tôt dans nos vies, il a été trop tard.) Et ça me remplit de tristesse.
Est-ce que je lui écris qu’il me manque ? Que nos moments de grâce me manquent ?