Frida Kahlo
Ca y’est, j’en sais plus sur mes poignets. Et ce n’est pas une entorse. Non. Quand j’ai glissé sur cette plaque de verglas mercredi 10 février, et que je suis tombé avec cette violence inouïe qui m’a fait vomir, je me les suis cassé. Cassé. Moi qui suis masseuse et dont les mains sont les précieux outils de travail. Cassé. Cassés, mes poignets. Mes radius plus précisément. J’ai appris ça l’autre soir, après avoir passé un scanner, une semaine après ma chute. Il existe une symétrie en toute chose, c’est fabuleux : je me suis cassé les deux radius au même endroit. Comme ça pas de jaloux ! Heureusement, ce sont des petites fractures, on peut espérer que je n’aurai droit qu’à 6 semaines d’immobilisation… Et pas un rond, car je suis indépendante et que bien sur, je n’ai pas de mutuelle.
(Oui, écrire me fait un peu mal et est surtout inconfortable car j’ai des attelles.)
Le lendemain de ma chute, j’ai fais des autoportraits de moi inspirés par Frida Khalo. Quand je m’inspire, je vois les choses en grand… Avoir des os cassés réveille ma créativité.
Passons maintenant aux choses intéressantes. Alejandro. (Qui n’est pas tout à fait son prénom, mais pas loin.)
Je l’ai vu lundi. Lundi j’ignorais encore que mes radius étaient cassé. Que j’avais des os cassé. Et tôt le matin, pendant que Papillon dormait encore, je me faisais belle pour aller retrouver mon (très) jeune amant dans un hôtel du 12ème.
Mettre des collants : difficile. Agrafer un soutien-gorge : très difficile et extrêmement douloureux. Enfiler une culotte Chantal Thomas légèrement trop étroite pour ma croupe : laborieux. Appliquer de la crème sur mon corps : long et fastidieux. Mettre un collier : impossible, tant pis.
J’écoute James Blake. Quand j’écris sur A., je n’écoute que James Blake ou Jeff Buckley.
(James Blake : Barefoot in the park feat. Rosalia)
Alors lundi. Encore meilleur que d’habitude. J’aime sa façon de faire l’amour. Je ne peux pas encore dire "de me faire l’amour". C’est un peu tôt. Il est encore dans la découverte des possibilités que lui offre son corps : les possibilités de mouvement, les possibilités de plaisir. Les multiples nuances du plaisir qu’il découvre avec moi. Et j’adore ça. C’est moi finalement qui lui fait l’amour, même si je ne lui montre pas trop.
On a des moments d’extase. Instants sublimes qui s’étirent à l’infini , sans avant, sans après. Bulles dans lesquelles on flotte, noyés dans un plaisir indicible et sans attente. (Je suis accro.) Sans attente de l’orgasme, sans course à la jouissance. C’est ce que j’aime par dessus tout avec lui, ce côté tantrique où l’on est dans rien d’autre que dans l’instant présent. Ce côté sacré. Ca dure des heures avec lui. Il a 20 ans. Il a le temps de rendre beaucoup de femmes heureuses s’il emprunte ce chemin là. Bien sur je rougirais si je devais lui dire. Et bien sur je suis jalouse de son futur. Quand moi je serai vielle, quand lui il sera homme. (Et maintenant j’ai Ronsard dans la tête : Quand vous serez bien vieille le soir à la chandelle...)
Lundi j’ai enfin joui. Avec lui ça ne m’était pas encore arrivé. Peut-être que je ne me l’étais pas permis. Peut-être qu’une culpabilité cachée m’en empêchait… Il aura fallu que je me casse les poignets pour que mon corps, considérant que je me suis suffisamment puni pour mes pêchés, débloque cet orgasme que j’avais coincé. Moralité judéo-chretienne patriarcale et monogame, quand tu nous tiens !
Après ça, tous les deux comblés, dans les bras l’un de l’autre, on respirait. Il regardait mes sourcils. "Tu t’épiles ?" il m’a demandé.
-"Oui."
-"Sinon tes sourcils se rejoignent comme ceux de Frida Kahlo non ?"
-"Oui", j’ai répondu en souriant.
-"Pourquoi tu les épiles ?" il a ajouté.
-"A cause du patriarcat." j’ai reconnu.
Ca l’a fait rire.
J’ai adoré cet instant.
J’ai trop mal aux mains pour continuer. Et ce final est parfait.
Peut-être ajouter une chose : ce qu’il m’a dit lors de notre quatrième rendez-vous clandestin dans un hôtel de Madeleine. Je voulais savoir pourquoi il couche avec moi alors que des belles femmes qui aimeraient se le faire, il y en a d’autres.
"Pour moi toutes les femmes sont belles mais tu es plus belle que la normale."
Y’a t-il une forme d’amour derrière ça ?