Et rejoindre la liste des amants inachevés. (Seconde partie)
Ca fait une semaine aujourd’hui qu’il me l’a dit. Et qu’il me l’a écrit. Derrière cet écran de fumée. Maladroitement. En se contredisant. Le contraire de la clarté.
"Je veux toujours te voir, mais pas de la façon comme on le fait maintenant. Je veux qu’on se voit comme des amis."
Et ça fait une semaine que je rumine ses raisons qui n’en sont pas. Comment peut-on renoncer à ça ?
J’en ai parlé à trois personnes : ma soeur, Fany et Margot. Toutes les trois ont eu la même première réaction, à chaud et sans le travail d’analyse linguistique qui vient après : "Ah ben il en veut plus avec toi en fait ! Il voudrait que tu sois sa petite amie!"
Et depuis, je me triture le cerveau. Je m’emmêle les neurones. Je perds mon temps. Car, comme le chante Chavela Vargas dans sa chanson El ultimo trago :"Que dificil tratar de olvidarte, sin sentir que tu ya no me quieres!" ("Qu’est ce que c’est difficile de t’oublier sans sentir que tu ne veux plus de moi!")
C’est une vérité que j’ai parfois vérifié. Je la vérifie aujourd’hui avec lui. C’est dur de l’oublier alors que je ne sens pas que lui il m’a oublié.
Je brûle de lui dire qu’il me manque. Que ce qu’on a partagé me manque. Son corps si jeune. L’odeur lourde de ses cheveux. Les draps mouillés qui nous collent à la peau. Son hébétude à découvrir le plaisir. Ses yeux fermés, sourcils froncés. Nos gémissements. Ma main dans ses boucles noires. Ses dents qui mordent mes lèvres. Ses doigts qui s’enfoncent en moi. Qui s’y perdent. Sa langue sur mes seins. Sa langue dans mon cou. Sa langue partout. Ses iris noirs dans les miens, qui m’interrogent. Son sexe dans ma bouche. Nos doigts qui s’emmêlent. Nos yeux qui basculent. Ses mots dans mon oreilles, ses promesses "Je suis à toi, je suis tout à toi" "Mi reina" "Te quiero" "Me encantas" "Me encanta cogerte" ("J’adore te baiser"). Ces mots que moi je lui dis, qui n’ont pas d’équivalents en français "Eres muy rico sabes ?". Ses mains qui tirent mes cheveux courts. Mes mains qui agrippent ses cheveux longs. "Mords moi, fort". La trace de ses dents dans mon cou. Mon sexe rempli du sien, sensation divine. Son sperme qui coule de moi. Nos doigts confondus qui me caressent avec. Nos baisers sauvages. Le goût de ma chatte dans sa bouche. "Embrasse moi". Mes cris. Mes "sauts de carpe" comme écrirait Albert Cohen. Son regard fier et adorateur. Belle du Seigneur. On n’ira pas jusqu’aux médicaments. On n’ira pas jusqu’au bout de la passion.
(Evidemment, pendant que j’écris ça, Lana Del Rey chante Happiness is a butterfly, la chanson de notre première fois, dans cet hôtel de Pigalle "Baby I just want to dance with you.")
Je l’avais prévenu, pourtant, que j’étais intense. Je lui avais dis, pourtant, que j’étais différente. Ca lui avait plu, apparemment. Je lui avais écris ça; ma tendresse profonde et mon désir immense. Et qu’avec lui, je découvrais une nouvelle manière d’aimer. Una manera de querer que no habia conocido. Ce à quoi il avait répondu :
-"Alors ne mettons pas de titre sur ce que nous vivons ma belle."
Est-ce qu’il sait à quel point je suis inoubliable ? Est-ce qu’il réalise à quel point je suis belle ? Est-ce qu’il prend la mesure de la chance qu’il avait ?
Encore aujourd’hui, mes amants inachevés viennent me parler. Me dire. Me le dire : à quel point je suis quelque-chose de beau dans leurs vies. A quel point ils ne m’ont pas oublié. Comment ils aimeraient me revoir. Comment ils me trouvent encore plus belle qu’avant. Plus belle qu’il y a 12 ans, 13 ans, 14 ans. (Même mon amoureux de CM2 est venu me dire que j’étais toujours aussi jolie, que j’étais devenue une femme sublime). Oui, je ne suis qu’amertume. Car : je ne suis pas la femme qu’on rejette. Pas quand j’ai donné cet amour magnifique que je suis capable de donner à quelques rares personnes.
Je sais que ces hommes, ceux d’il y a 12, 13 ou 14 ans, me regrettent. Malgré les épouses parfois, malgré les enfants souvent. Ces amours inachevés par le passé et regrettés aujourd’hui ont gonflé mon orgueil, m’ont rendu inoubliable dans ma légende personnelle.
Et lui ? Me rendra t-il inoubliable, un peu plus ? Regrettera t-il ? Est ce qu’il regrette déjà ? Me regrette déjà ?
Si j’avais de l’alcool et si j’en avais bu, j’irai lui parler. Lui dire qu’il me manque. Lui dire tout ce que j’ai écris plus haut. Lui dire de ne pas avoir peur. Que ce ne sera que beau. Que ce ne sera que bon. Qu’il en sortira sublimé.
Je l’ai averti la semaine dernière, dans une tentative désespérée de garder le contrôle, de ne pas me faire jeter :
-" L’alchimie que nous avons c’est quelque-chose tu sais ? Tu es jeune mais plus tard tu le comprendras mieux."
Je rêve qu’il regrette. Je rêve qu’il revienne. Je rêve qu’il ait eu peur de souffrir et que c’est la raison de son départ. Je préfère me raconter cette belle histoire plutôt que d’affronter une réalité offensante dans laquelle, simplement, il se serait lassé de moi.
On me dit de l’oublier. On me dit que la relation a été brève et que d’ici quelques jours je n’y penserai plus. On me dit "concentre toi sur tes projets" ou "concentre toi sur ta relation avec Papillon"...
Mais moi, je ne sais pas perdre. J’ai prévenu que j’étais intense. Alors, je joue à ne pas être oubliée. Parce-que, comme l’a écrit Mario Benedetti, j’ai une stratégie. Et pour finir, voici un autre extrait du poème Tàctica y estrategia (que je vous traduit directement en français)
"Ma stratégie est
qu’un jour comme un autre
je ne sais comment
ni ne sais pour quel prétexte
enfin, tu aies besoin de moi."
("Mi estrategia es
que un dia culaquiera
no sé como ni sé
con que pretexto
por fin me necesites.")
Et dire que j’ai cassé mes poignets tandis que je revenais d’acheter de la lingerie sexy pour lui ! Blanche, car il aime le blanc.